Médiator : les laboratoires Servier condamnés
Le groupe pharmaceutique Servier a été condamné pour « tromperie aggravée » et « homicides involontaires » ce lundi 29 mars. Près de 2,7 millions d’euros d’amende leur sont réclamés.
Les laboratoires Servier jugés ce lundi
Le laboratoire pharmaceutique Servier a commercialisé pendant des années le Médiator : un médicament coupe faim qui a provoqué de grave lésions des valves cardiaques (valvulopathies) et de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), des pathologies pouvant entrainer la mort.
Des premières alertes auraient été faites dès 1990. « Malgré la connaissance qu’ils avaient des risques encourus depuis de très nombreuses années (…), [les laboratoires Servier] n’ont jamais pris les mesures qui s’imposaient », a indiqué la présidente du tribunal correctionnel.
18 après un procès hors normes, qui a duré plus de 517 heures, et dont la décision devrait couvrir environ 3.500 pages, le groupe pharmaceutique a été condamné pour « tromperie aggravée » et « homicide involontaire ». Pour sanctionner ce laboratoire qui aurait privilégier « ses intérêts financiers », il sera condamné a verser 2,718 millions d’euros d’amende. Il a tout de même été relaxé pour « escroquerie »
Un traitement utilisé par des millions de patients
Prescrit à environ cinq millions de personnes depuis le début de sa commercialisation, le Médiator était un traitement contre le diabète, largement détourné en coupe faim. Il serait responsable de la mort de 1 500 à 2 100 personnes, tandis que d’autres souffrent encore aujourd’hui de ses effets secondaires. Il n’a été retiré du marché qu’en 2009, alors que les premiers scandales quant à sa dangerosité datait de 1995.
« La vraie question, la seule qui se pose, c’est comment cela a-t-il été possible ? », a déclaré Hervé Témime l’un des avocats du laboratoire lors de l’audience. Jacques Servier, même après la révélation du scandale,« était profondément convaincu des bienfaits du Médiator. Il y croyait. », ajoute t-il.
Des dommages et intérêts réclamés
Les laboratoires Servier qui fabriquaient le Médiator, devront verser plus de 180 millions d’euros aux victimes en réparation des préjudices subis. Jean-Philippe Seta, l’ancien bras droit de Jacques Servier, mort en 2014, a quant à lui été condamné à quatre ans d’emprisonnement avec sursis, et à une amende de 90 600 euros. Il se verra de plus verser des millions d’euros aux victimes du Médiator.
Des dommages et intérêts que certains ne trouvent pas assez élevés. « Ils sont condamnés à une amende de 2,7 millions d’euros, alors qu’ils font 10 millions de chiffre d’affaires par jour ! », a indiqué Charles Joseph-Oudin, avocat de l’une des victime du médiator. Il déplore « une décision un peu en demi-teinte, notamment en ce qui concerne les montants des dommages et intérêts et des amendes à la charge des laboratoires Servier ».
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui a été jugé d’avoir trop tardé pour suspendre le médicament, devra s’acquitter de 303 000 euros d’amende. Une somme qui comprend à la fois la peine maximale pour « homicide involontaire », mais aussi des peines d’amendes contraventionnelles de 78 000 euros. L’autorité de santé ne fera pas appel.
La pneumologue Irène Frachon, qui a révélé au grand public cette affaire scandaleuse, a assisté à la lecture du jugement.
« Le tribunal reconnaît ce que je dis depuis quatorze ans : le Mediator était une amphétamine dangereuse, Servier le savait parfaitement, a sciemment trompé des millions de consommateurs », s’est-elle félicitée après le jugement. Mais « les sanctions pénales apparaissent bien faibles (…) et soulignent l’insuffisance, certainement, des dispositions du droit pénal pour punir à la hauteur de leur gravité les délits à col blanc », a t-elle souligné.